Alice au pays des merveilles
Un regard initiatique et symbolique

Publié le 17 novembre 2021 à 11h33

Alice au pays des merveilles est un film qui regorge de symboles et de clés de compréhension.

Étant donné qu’il y aura un certain nombre de références à la tradition alchimique, si vous ne connaissez absolument rien à l’alchimie, je vous conseille de lire cet article : principes-alchimiques (très court) dans lequel je parcours succinctement les différents principes de cette voie.

Alice, enfant, a déjà connaissance du pays des merveilles. Elle l'oublie une fois plus grande. Elle est aussi pleinement elle-même à cet âge là (on y reviendra).
Aux alentours de 7 ans on atteint ce qu’on appelle "l'âge de raison” et il y a un voile qui se met sur la conscience.

C’est une période durant laquelle l’enfant a envie de se soumettre à ce qu’on attend de lui pour ne pas être rejeté. Il rentre dans le moule de la société. Étant donné qu’il n’est pas admis par la plupart des gens que le pays des merveilles existe, il est préférable de l’oublier.
Il est important de comprendre qu’on est aussi passé par là.

Elle garde cependant accès à ce souvenir via ses rêves. Le voile tombe pendant la nuit.

Juste avant de retourner au pays des merveilles, Alice est mal dans le monde dans lequel elle vit.
C’est un mal-être intérieur, qui n’est pas dû à une cause extérieure. C’est d’autant plus marquant qu’elle vit dans une famille riche dans laquelle elle est aimée et respectée (mais incomprise).
Le mal-être vient du fait qu’elle obéit à ce qu’on attend d’elle, elle laisse sa vie et ce qu’elle est être contrôlée par l'extérieur.
À la fin de sa quête, elle retourne dans le même monde, la même vie, mais c’est elle qui a changé. C’est une quête intérieure.

C’est ce mal être qui la pousse à agir. Sans ce mal être, il est encore plus difficile de sortir de ses conditionnements et de commencer un travail sur soi.

On pourrait voir cette étape comme l’oeuvre au noir alchimique. Une phase qui permet la séparation entre le personnage et l’être véritable.
Pour l’instant elle s’identifie à son personnage, elle fusionne avec.
Tout le but de la quête sera de reconnecter à son être véritable et de l’incarner.

Le lapin représente l’innocence, c’est d’autant plus vrai qu’on insiste aussi sur la couleur, le blanc. Qui représente aussi l’innocence et la pureté.
C’est une posture essentielle sur la voie, garder le regard innocent, ouvert à l’improbable.

Lors de sa première rencontre avec le lapin, elle est accompagnée de sa “potentielle” future belle-mère et on voit bien la différence qu’il y a entre les 2 regards.
Alice voit le lapin et est intriguée par sa présence alors que sa belle-mère est incapable de le voir même quand on lui montre avec insistance.

Voir les signes ne suffit pas, il faut aussi les suivre. Accepter d’aller dans l’inconnu sans savoir où l’on va.
C’est en percevant le lapin et en acceptant de le suivre qu’Alice découvre le pays des merveilles.

On retrouve aussi cette même symbolique dans le film Matrix. Lorsque Neo doit aussi “suivre le lapin blanc”.

Le lapin dans le film est très souvent représenté avec une montre, comme s' il savait ce qu’il devait arriver.
Il a une vision plus large qu’Alice, il connaît le plan, la trame.
Il s’assure que tout arrive au moment où cela doit se produire.

Alice peut faire confiance au lapin, même si elle ne sait pas, lui oui et il va l’amener là elle doit être pour accomplir sa quête.

C’est pour moi les 3 clés en lien avec le lapin :

• Apprendre à percevoir les signes
• Les suivre même si on ne sait pas pourquoi dans l'immédiat
• Avoir foi dans un plan plus large dont on ne mesure pas encore la portée.

À son arrivée, Alice arrive dans un monde à l’envers.
L’envers (l’en vert) est un élément important en alchimie. Il fait référence à la capacité de percevoir le monde derrière les apparences.
L’envers du décor, le décor étant le monde des phénomènes, la réalité matérielle.

On retrouve cette même image dans le titre de la suite du film : “Alice, de l’autre côté du miroir”. Le miroir affiche aussi une image à l’envers.

On peut aussi y voir l'écho de la phrase de la table d’émeraude “ce qui est en bas est comme ce qui est en haut”.
Le manifesté est la l’image du non manifesté.

Alice a donc ici franchi le monde des apparences.

Alice se retrouve face à sa première épreuve : franchir la porte.
Elle ne peut pas la franchir dans son état actuel.

Sur la voie on est très vite confronté à ce passage. On ne peut avancer sans changer.
Il faudra être capable de remettre en question ce que l’on prend pour vrai, accepter de se libérer de ses croyances si l’on veut pouvoir franchir la porte.

À partir de son entrée dans le pays des merveilles, et ce durant la quasi-totalité du film, Alice n’a pas la bonne taille. Elle alterne entre trop grande et trop petite.

On peut y voir l’image de la dualité. L'équilibre qu’il faut trouver entre le feu et l’eau, le yin et le yang. Il est souvent nécessaire de passer par des étapes d'excès pour percevoir ce qu’apporte cette vertu.

Expérimenter l’excès de Yin pour comprendre ce qu’apporte le Yin, mais aussi pour se rendre compte de ce qu’il manque lorsqu’on manque de Yang. Même chose pour l’excès de Yang.

Une fois que l’on a compris que les 2 étaient nécessaires et devait être parfaitement égal, on recherche l’équilibre.

Le mot Absolem vient de l’hébreu Absalom qui signifie “le père” ou le “chef de la paix”.
Dans le conte original, Absolem va d'ailleurs lui donner un seul conseil, celui de “garder son sang-froid”.

Il va jouer le rôle de guide durant tout le long du parcours d’Alice. On peut le voir comme un guide extérieur, un sage.

On peut aussi voir Absolem comme un guide intérieur, il est une part d’Alice. C’est en effet le seul des personnages qui suivra Alice dans son retour dans le monde réel. Il est assez drôle de remarquer que lors de sa première rencontre avec Absolem, lorsqu’il demande à Alice “Qui es-tu ?” Elle répond “Absolem”.

Durant tout son voyage, Alice aura pour but de retrouver sa véritable nature.
Nature qu’elle découvre petit à petit:

• “loin d’être Alice”
• “presque Alice”
• “Alice, nous y voilà”

Absolem devient le reflet de cette mutation, en devenant lui aussi une nouvelle version de lui-même (un papillon).

Cette mutation est associée à la mort pour Absolem, mais une mort apparente puisqu’il renaît sous une autre forme. C’est un élément extrêmement important sur toutes les voies initiatiques. Pour laisser naître le nouveau, il faut accepter que l’ancien meure.

Le bandersnatch est l’image de l’animalité, il représente la part reptilienne, instinctive de l’humain.
Il n’est ni bon ni mal.
Lorsqu’il est au service de la reine rouge, il est destructeur, mais au service d’Alice il devient un allié précieux.

Il est le gardien de l’épée.
Le bandersnatch ne doit pas être affronté, mais dompté. Une fois apprivoisé, il devient un allié et Alice pourra avoir accès à l’épée. (voir la partie sur l’épée vorpaline plus bas)

Il en va de même avec la part animale de l’homme, elle ne doit pas être niée ni être diabolisée, mais domptée.
C’est la même symbolique que pour le Chevalier. Le cheval représente cette part animale à apprivoiser. Alice va d'ailleurs chevaucher le Bandersnatch comme un cheval !

On peut associer la reine rouge au principe soufre de l’alchimie.
Principe lié à l’émotion. C’est un personnage qui est constamment envahi par des émotions. Très souvent de la colère, mais aussi de la peur.

Elle représente le soufre lorsqu’il n’est pas encore rectifié.

La reine rouge a une énorme tête. Tête qui représente l’ego, le mental. L’expression “avoir la grosse tête” désigne justement avoir un gros ego.

L’ego ne fait pas simplement référence au fait de se croire supérieur aux autres. Il englobe toutes les pensées, la personnalité.
Encore une fois, ce n’est pas mal, le problème c’est quand c’est lui qui dirige.

L’ego est préoccupé par la survie plus que tout. La survie du corps, mais aussi sa propre survie. Il déteste le changement et l’évolution, il prend ça pour une petite mort.
C’est en cela qu’il est un frein sur toutes les voies initiatiques.

La reine rouge porte en elle la clé de sa résolution.
La reine est obnubilée par le fait de “couper les têtes”. C’est un élément que l’on retrouve dans beaucoup de voies initiatiques. La colée lors de l’adoubement des chevaliers a aussi pour rôle de couper (symboliquement) la tête du chevalier.
Couper la tête fait référence au fait de couper le mental. On coupe le mental pour qu’il ne dirige plus, mais qu’autre chose prenne les rênes.
Le cœur par exemple ? Ça tombe bien, la reine rouge est aussi la reine de cœur.

C’est là pour moi les 2 clés présentes directement via la reine rouge elle-même :

• Couper la tête du mental
• Laisser le coeur diriger

La reine blanche peut être assimilée au principe Mercure.
Elle représente la pureté.

Le mercure est volatil, immatériel. Pour être incarné, il a besoin du sel. En alchimie on appelle cette étape “fixer le volatil”.

La reine blanche est incapable d’agir.
Elle le mentionne clairement en disant qu’elle ne peut pas combattre le dragon elle-même. Elle a besoin d’un champion, Alice, qui ici représente le principe Sel.

Le chapelier est un des personnages centraux.
Le chapeau étant posé sur la tête, sa symbolique aura un lien avec le mental.

Le fou est celui dont l’esprit est libre.
Il n’est pas limité par la logique, ce qui est réel, ce qu’il est “normal de penser”.
Alors bien sûr qu’être uniquement fou est un problème, mais garder une part de folie permet de garder un esprit ouvert à l’impossible.

Il y a quelques décennies, il fallait être complètement fou pour penser que la terre puisse être ronde !

Le chapelier pousse Alice à garder cet esprit ouvert. Il lui répète des phrases impossibles comme “pourquoi un corbeau ressemble à un bureau ?”. Il n’attend aucune réponse, mais la question met le cerveau logique dans une position d’inconfort et le pousse à penser autrement.

C’est un élément récurrent, Alice lors de l’épreuve se force à formuler 6 choses impossibles.
L’objectif est le même, sortir des limites que l’on se fixe.

C’est après la première rencontre avec le chapelier qu’Alice décide de sortir du plan qui est écrit. Ce qui semble être un détour inutile, une folie. Se révèle en réalité être une étape indispensable.

Le chapelier utilise la contrepèterie pour cacher des messages. Transformant la phrase “À bas la maudite grosse tête” en "À bas la maudete grosse tite”.
Ce n’est pas sans rappeler la langue des oiseaux, qui est l’art de jouer avec les mots pour en percer le sens caché.

L’épée est l’outil indispensable pour affronter le dragon. Sans elle, il n’est pas possible de faire face à l’affrontement final.

L’épée représente la manifestation du mercure. Comme vu plus haut, c’est la reine blanche qui symbolise le mercure, mais elle ne peut pas agir directement. C’est par l’épée, au travers d’Alice qu’elle le fera !

Alice en est la messagère, le vecteur.
Elle ne doit pas se mettre en travers. Elle doit laisser l’épée agir.

Comment trouver l’épée ?
C’est encore une fois le lapin qui guide Alice jusqu’à l’épée.
Il va même dire “l’épée est cachée à l'intérieur". Que l’on pourra comprendre “à l'intérieur de toi”.
C’est là qu’elle fait face au Bandersnatch, qui comme vu plus haut fait écho à l’ animalité qui doit être apaisée, apprivoisée, pour ne plus se mettre en travers de nos aspirations profondes.

C’est assez proche de la symbolique de l’épée Arthurienne que l’on doit sortir de la roche.

Affronter le jabberwocky est l’épreuve finale de sa quête.
Faire face au dragon, c’est faire face à ses propres ténèbres. La voie n’est rien d’autre qu’une préparation à affronter ce dragon.
De la même manière que tout le voyage d’Alice avait pour unique but de la préparer à ce duel.

C’est un combat qu’elle doit mener elle-même.
Elle commence par refuser d’affronter le dragon et des champions de substitutions se proposent de la remplacer, mais c’est impossible.
Non seulement elle doit l’affronter elle-même, mais elle doit aussi l’affronter seule.

On ne peut pas esquiver l’affrontement avec le dragon et même si on peut être accompagné pour se préparer. On l’affronte seul et personne ne peut le faire à notre place.

Pour tuer le Jabberwocky, elle doit lui trancher la tête. Ce n’est pas sans rappeler le parallèle avec la reine rouge. (voir plus haut)

Pendant qu’Alice affronte le Jabberwocky, on voit les 2 armées s’affronter. C’est la rencontre du soufre et du mercure.
Les soldats commencent par se battre et c’est le cas aussi dans le processus alchimique.
Lorsque Alice réussit à tuer le dragon,le combat s’arrête et les deux armées déposent les armes.

Les 2 royaumes peuvent être en paix que lorsque c’est la reine blanche qui porte la couronne. Pour que la reine rouge accepte de donner sa couronne, il a fallu que Alice tue le dragon.

C’est 2 royaumes sont intérieurs, pour qu’ils soient en paix on ne doit pas laisser la couronne à notre émotionnel (soufre ou reine rouge), mais la donner à notre être véritable (mercure ou reine blanche). Pour ce faire, on doit affronter notre part de ténèbres (dragon).

Ceci est une vision subjective, j'espère que vous aurez su faire la part des choses, prendre ce qui vous parle et laisser le reste.
J’espère surtout que cet article vous aura permis de percevoir le film avec votre propre regard d’initié.

“via felicia”

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